La Baisse du taux directeur constitue un timide pas dans la bonne direction… pourquoi

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Par Lamari, Moktar
Economics for Tunisia, E4T



La baisse du taux d’intérêt directeur de 50 points de base, telle que celle décidée hier par la Banque centrale de Tunisie (BCT), passant de 7,5 % à 7,0 %, est un petit pas dans la bonne direction. C’est insuffisant considérant le contexte macroéconomique tunisien actuel. Les mécanismes de transmission de la politique monétaire sont plutôt bloqués par diverses entraves et contraintes spécifiques à l’économie tunisienne en 2025-2026.


Le contexte économique tunisien actuel



La Banque centrale de Tunisie a déjà entamé une première baisse du taux directeur en mars 2025, le ramenant de 8 % à 7,5 % pour soutenir la croissance face à un ralentissement de l’inflation et un besoin de relance économique après une longue période de taux élevés.

l’époque de cette décision, l’inflation globale était en repli (environ 5,7 % en février 2025) et la croissance économique affichait une tendance modérée. Le taux directeur à 7,5 % se situait au-dessus du taux d’inflation courant, ce qui signifie qu’en termes réels, le coût du crédit restait relativement très élevé malgré l’assouplissement observé.

Dans ce contexte, une nouvelle baisse du taux à 7,0 % se produirait alors que l’inflation est relativement maîtrisée mais que l’économie reste fragile, avec des déséquilibres extérieurs importants (déficit commercial et courant) et des réserves en devises sous pression.


Impact attendu d’un recul du taux directeur à 7,0 %

1. Baisse du coût du crédit et stimulation potentielle de l’investissement

Une réduction du taux directeur tend à abaisser les taux d’intérêt appliqués par les banques commerciales aux emprunteurs. Cela allège le coût du financement des entreprises et des ménages, ce qui peut encourager :

• Les entreprises à engager de nouveaux projets d’investissement, surtout celles qui dépendaient de crédits coûteux pour financer l’achat de machines, le développement ou l’expansion de leurs activités.
• Les PME à solliciter plus facilement des prêts bancaires, ce qui est crucial dans un pays où l’accès au financement est souvent cité comme un frein majeur à l’investissement.

Cependant, dans le contexte tunisien, cet effet dépend fortement de la situation du système bancaire, dont la capacité à transmettre efficacement une baisse des taux au crédit réel reste limitée par les risques de crédit et les prêts non performants élevés (15 à 20 %). Si les banques restent prudentes à cause de portefeuilles fragiles, la transmission du taux directeur à l’économie réelle peut être anéantie, réduisant l’impact sur l’investissement.


2. Effet limité si l’inflation réelle reste proche ou supérieure au taux directeur

Un point essentiel est que l’impact des modifications du taux directeur se mesure souvent par rapport au taux d’inflation réel :

• Si l’inflation reste proche de 5–6 %, et que le taux directeur passe à 7 %, le taux d’intérêt réel (taux nominal – inflation) reste positif — ce qui signifie que le crédit ne devient pas nécessairement « bon marché » pour autant.
• Dans cette situation, la baisse de 50 points de base peut avoir un effet modéré sur l’investissement, car la prime de coût du financement reste relativement élevée.

Ce phénomène peut limiter la propension des entreprises à investir davantage, car même un allégement de taux ne réduit pas suffisamment le coût réel du crédit dans un environnement encore marqué par une inflation non négligeable.



3. Impact sur la confiance et les anticipations économiques

Au-delà du coût direct du crédit, une baisse supplémentaire du taux directeur peut envoyer un signal positif de politique économique plus accommodante, ce qui pourrait :

• Renforcer la confiance des investisseurs (locaux et internationaux) sur la trajectoire de l’économie tunisienne si la baisse est perçue comme cohérente avec une stabilisation macroéconomique.
• Encourager certaines entreprises à anticiper une amélioration de la demande intérieure, incitant à accélérer leurs projets d’investissement.

Cependant, ce canal dépend fortement de la crédibilité des institutions.

En Tunisie, la banque centrale a été confrontée à des défis de confiance du fait de l’environnement politique et de pressions sur son indépendance, ce qui peut atténuer l’effet psychologique positif d’une nouvelle baisse des taux sur l’investissement.


4. Risques de transmission à des bulles de crédit ou de déséquilibres externes

Un taux directeur plus bas peut également encourager une reprise plus rapide du crédit, ce qui n’est pas automatiquement bénéfique :

• Si le crédit est orienté vers des usages de consommation ou de spéculation immobilière plutôt que vers l’investissement productif, cela peut accélérer l’endettement sans créer de croissance durable.
• Dans un pays où le déficit courant et le déficit commercial sont déjà importants, une relance du crédit qui soutient la consommation de biens importés peut entraîner une détérioration du solde extérieur et une pression accrue sur les réserves de devises.


5. Effet sur l’épargne et le financement des banques

Le recul des taux directeurs s’accompagne souvent d’une réduction des rendements de l’épargne (comme la baisse du taux de rémunération de l’épargne à 6 %).

Cela peut amener certains épargnants à une réticence à placer leurs fonds dans des produits bancaires traditionnels, réduisant potentiellement les fonds disponibles pour les prêts. Toutefois, cela peut aussi inciter l’épargne à se tourner vers des placements plus risqués ou productifs, ce qui pourrait, dans le meilleur des cas, soutenir l’investissement par des financements alternatifs — mais avec un profil de risque plus élevé.


Restaurer la confiance

Une baisse du taux directeur de 50 points de base, de 7,5 % à 7 %, dans le contexte tunisien d’aujourd’hui, aura plusieurs effets potentiels mais modérés et conditionnés par le contexte global :

• Elle diminue légèrement le coût du crédit, ce qui peut stimuler l’investissement — surtout pour les entreprises dépendantes d’emprunts.
• Son impact sur l’investissement pourrait être limité tant que le taux d’intérêt réel reste positif, c’est-à-dire que l’inflation n’est pas nettement inférieure au taux directeur.
• Elle peut améliorer la confiance et les anticipations, mais cet effet dépend de la crédibilité institutionnelle et de la perception des marchés.
• Des risques peuvent émerger si le crédit se dirige davantage vers la consommation plutôt que vers l’investissement productif, ou s’il accentue les déséquilibres extérieurs.

En bref, cette baisse peut être un élément favorable à l’investissement, mais elle ne constitue pas une solution miracle seule : son efficacité dépendra aussi des politiques budgétaires, des réformes structurelles et de la capacité du secteur financier tunisien à transformer ces incitations en crédit réellement productif.

Les investisseurs ont besoin de plus de transparence dans la gouvernance de la politique monétaire en Tunisie. Ils doivent savoir un peu plus sur les votes et positions des membres du Conseil d’administration (vote pour et contre, abstention).

Certains observateurs craignent aussi des problèmes de souveraineté dans le calibrage et le timing de la décision de baisse de 50 points de base avec décalage dans la mise en œuvre (7 janvier 2026).

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