Tunisie: Des banques prospères dans une économie morose ? Les réponses de Fitch

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**Moktar Lamari, Ph. D
Economics for Tunisia, E4T**






Bonjour aux lecteurs et fidèles de notre blog E4T. Malgré l’actualité militaire brûlante au Moyen-Orient, je traite dans cette chronique des banques tunisiennes et de l’hypothèse arguant que les banques tunisiennes engrangent des bénéfices colossaux au déterminant d’une économie à la peine.

Une hypothèse (H1) très soutenue dans les réseaux sociaux, mais peu traitée de façon démontrables par des chiffres officiels et crédibles. Et surtout par des analystes et économistes éclairés (par des données fiables), dignes de confiance et maîtrisant les concepts et métriques du Banking en Tunisie.

Depuis lundi dernier, E4T publie sa 5ᵉ chronique réservée au système bancaire, produite à partir du très récent et sérieux Banking report in Tunisia, Q3 2025, produit par la redoutable agence Fitch.

Un rapport de 63 pages, très chiffré et très objectif, tout compte fait. Comme pour les précédents rapports, on procède par une rédaction en points de forme pour mettre en exergue les preuves, les unes après les autres.


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1 – Des actifs bancaires en forte croissance

On apprend que le système bancaire tunisien (23 banques) détient des actifs propres totalisant 186 milliards de dinars, l’équivalent de 66 milliards de dollars, en 2025. Des actifs qui augmentent à taux moyen annuel de 7 %, en valeur nominale. Cette croissance dénote d’un processus d’accumulation qui profite de la hausse des taux d’intérêt, notamment.

En même temps, le taux de croissance du PIB (réel) en Tunisie caracole à 1 %. La consommation privée augmente de 2 %, en taux annuel, la formation du capital fixe (investissement) de 3 %, en valeur nominale.

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Les actifs bancaires frôlent les 108 % du PIB.

Ces données indiquent que les banques brassent des affaires, malgré la morosité de l’économie, et engrangent des bénéfices pour leurs actionnaires nationaux et internationaux — à des taux plus élevés que le reste des indicateurs macroéconomiques.


2 – Des taux bancaires élevés et peu concurrentiels

Selon Fitch, les banques tunisiennes s’enrichissent principalement par le truchement d’un taux directeur très élevé, de 8 à 10 % les dernières années. Des taux sur lesquels les banques, ne jouant pas le jeu de la concurrence, imposent des frais, agios et primes de risques allant de 3 à 5 %.

Au final, les clients, privés et publics, du système bancaire se trouvent à payer des taux allant jusqu’à 15 %.

Des taux élevés à très élevés, quand on sait que les entreprises tunisiennes, en majorité des PME, peinent à générer un taux de rendement supérieur à 2 % de leur capital investi.


3 – Un levier de crédit hors norme

Les dépôts par les clients des banques frôlent les 100 milliards de dinars en 2025, soit 57 % du PIB. Pour chaque dinar déposé dans les coffres des banques, celles-ci prêtent 1,5 dinar, à des taux allant de 10 à 15 %.

Le ratio prêts sur dépôts est de 154 %, un chiffre qui dépasse les moyennes observées dans les économies comparables à la Tunisie.

Cela veut dire que les banques prennent le risque de prêter de l’argent qu’elles n’ont pas de façon systématique dans leurs coffres et registres comptables. Fitch alerte sur ce point, et craint pour ainsi dire les risques d’un effondrement du système bancaire.

Pis encore, Fitch dénonce le flou qui entoure les déclarations bancaires au sujet de l’indicateur de l’adéquation capital / dépôt-prêt des banques tunisiennes. Fitch pointe du doigt une telle opacité et décrie le manque de suivi et d’harmonisation de tels indicateurs par la Banque centrale à ce sujet.


4 – Une dépendance croissante à l’État

Les prêts bancaires recensés en 2025 sont estimés à 152 milliards de dinars tunisiens. Les dépôts des clients sont de 99 milliards de dinars et les actifs bancaires sont estimés à 186 milliards de dinars en 2025.

Plus du cinquième des prêts bancaires vont au secteur public (21 %), en 2025. Cette propension était de seulement 9,2 % en 2015.

Le système bancaire tunisien est considéré depuis peu comme le principal prêteur à l’État (et aux sociétés d’État) pour couvrir les dépenses courantes du gouvernement. Les banques sont de plus en plus tributaires des déficits fiscaux et risques liés (défaut, imprévu ou autres contingences).

Les profits bancaires ont vu récemment leur taux d’imposition grimper jusqu’à 40 %, au lieu de 35 % auparavant. Un taux jugé excessif, et qui explique les « malaises » de certaines banques internationales présentes à Tunis.

Le système bancaire a aussi plafonné ses prêts à 15 ans de durée maximale. Une décision qui pénalise les investissements de long terme, notamment dans le logement et les infrastructures.


5 – Des créances douteuses et risques accrus

Les prêts de mauvaise qualité ou simplement carbonisés varient entre 5 % à 28 %. La Banque Nationale Agricole est dévastée par ses mauvaises décisions au sujet des choix de ses projets et clients solvables.

Autre fait saillant : le rapport montre que les prêts bancaires aux clients non-résidents en Tunisie connaissent une progression remarquable — au détriment des clients résidents.

Selon Fitch, le système bancaire tunisien est de plus en plus exposé :

* aux crises de liquidité (voir chronique N1),
* aux transactions issues de l’argent sale ou du terrorisme (chronique N2),
* et surtout aux risques de défaut qui pourraient survenir à n’importe quel moment, si rien n’est fait pour atténuer les risques et introduire les réformes structurelles suggérées depuis quelques années.

Le rapport de Fitch détaille aussi les livres et indicateurs de 10 banques, sur un total de 23 examinées.


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