Créances douteuses ...

Durant les derniers mois, et avec des cartons de preuves et d’archives, le président Kais Saied a rendu visite à la Banque centrale et certaines autres banques dans leurs sièges sociaux. Le souci présidentiel porte sur deux enjeux: la corruption qui ronge le système bancaire et la malgouvernance dans les banques publiques. Ces fléaux se traduisent par des pertes, par des manques à gagner et surtout par des créances douteuses. Ces créances douteuses frôlent les 20 milliards de dinars, soit plus de 18% des prêts octroyés.
Fitch a fait un portrait détaillé de ces pertes qui rongent le système bancaire sous le regard de la Banque centrale. Le Banking report (64 p.) de Fitch est accessible sur le site de l’agence, moyennant frais. On reporte en 10 points ce que ce rapport relativement aux fragilités qui guettent les banques tunisiennes.
1- Les banques tunisiennes démontrent des mesures de rentabilité variées qui se poursuivront probablement jusqu’à fin de 2025. Certaines banques font face à des pressions sur leur rentabilité en raison de nouvelles réglementations imposées par le gouvernement, y compris l'augmentation de l'impôt sur les sociétés et la baisse du taux d'intérêt directeur.
2- Les plus grandes banques de Tunisie ont démontré un écart dans leurs indicateurs de bénéfices entre la fin de 2023 et la fin de 2024 (le dernier disponible Données). La Banque Attijari (ex-Banque du Sud) a enregistré le rendement d'actif (ROA) le plus élevé à 2,0 % à la fin du quatrième trimestre 2024, une légère hausse par rapport à l'année précédente. La Banque Attijari a enregistré une augmentation de son revenu bancaire net, qui a atteint 739,8 mn dinars, en hausse de 692,1 mn dinars en 2023. Cela a été dû à une augmentation des revenus d'intérêts, qui ont augmenté de 8,4 % pour atteindre 863,9 mn de TND.
3- Il n'y a pas de données disponibles sur la rentabilité pour toutes les banques et pour l'industrie bancaire comme secteur. En revanche, les mesures du rendement des capitaux propres (ROE) ont largement suivi la même trajectoire que la ROA. Cependant, BH Bank et Banque Attijari ont toutes deux vu des baisses dans leur ROE de fin 2023 à fin 2024. Le ROE de BH Bank est passé de 10,6 % à 7,3 % au cours de cette période, la Société Tunisienne de Banque (STB) a affiché le ROE le plus bas à seulement 5,2 %, bien qu'il ait augmenté par rapport à 1,9 % l'année précédente.
Pour l'avenir, nous nous attendons à ce que les banques tunisiennes feront face à des défis de rentabilité en 2025 en raison de la réglementation introduite. En 2025, le gouvernement tunisien a imposé de nouvelles réglementations sur les prêts pour soutenir les ménages au milieu d'une crise économique croissante. Les règlements permettent aux emprunteurs de réduire les taux d'intérêt de 50 % sur certains prêts à taux fixe et exigent que les banques émettent des ordonnances sur les montants de prêts sans intérêt.
4- En réponse, Reuters rapporte que les banques privées ont cessé d'accorder de nouveaux prêts au-delà de 15 années pour protéger leurs profits malgré la réglementation conçue pour rendre le logement plus abordable. De plus, le gouvernement tunisien a relevé le taux d'imposition des sociétés sur les bénéfices bancaires à 40 % à partir de janvier 2025, contre 35 % auparavant, ce qui rongera les profits net des banques.
5- Les créances douteuses se multiplient. Les banques tunisiennes présentent des ratios de prêts non performants (NPL) très élevés, trois des sept premières banques déclarant des ratios de prêt non performants dépassant 10 %. Nous prévoyons que le ralentissement de la croissance économique aura un impact négatif sur la capacité des débiteurs à faire face aux remboursements de leurs prêts, probablement conduisant à une nouvelle détérioration de la qualité des prêts.
6- Les plus grandes banques de Tunisie affichent des ratios de prêts non performants (NPL) beaucoup plus élevés que les marchés pairs du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord Région (MENA) en moyenne.
Parmi les meilleures banques, la Banque de Tunisie affiche le ratio NPL le plus bas à 5,2 % à la fin de 2024 tandis que Banque Nationale Agricole (BNA) affiche le ratio NPL le plus élevé à un taux extrêmement élevé de 28,9 % au cours de la même période, par rapport à 26,8 % l'année précédente. Sur les sept premières banques (lorsque les données sont disponibles), trois des banques avaient des ratios NPL supérieurs à 10 %.
7- Nous nous attendons à ce qu'une croissance plus faible du PIB affecte la situation économique de la Tunisie et donc la qualité des prêts. Les tarifs américains et qui en résultent plus faibles les perspectives de croissance des principaux partenaires commerciaux de la Tunisie nous ont incités à réduire nos prévisions de croissance réelle du PIB de 1,2 % à 1,0 % en 2025 et de 2,1 % à 1,5 % pour 2026.
Un ralentissement de la croissance économique pèsera probablement sur les revenus des Tunisiens, affectant ainsi les débiteurs capacité à rembourser leurs prêts qui, nous, nous attendons à ce qu'elle aggrave la qualité des prêts.
8- Pour rappel, quelques chiffres clefs pour le secteur bancaire en 2025 (23 banques):
* Les actifs bancaires sont estimés à 186,1 milliards de dinars (108% du PIB)
* Les dépôts des clients constituent 99,6 milliards de dinars
* Les prêts constituent 152,7 milliards de dinars
* Le ratio prêts sur dépôt constitue 157%
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