L’aveuglement des deux camps dans ce conflit sanglant

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Par Robert Fisk - The Independent- Durant la deuxième « Intifada », je me trouvais dans les bureaux de la télévision Al-Manar du Hezbollah, à Beyrouth, où je visionnais le reportage sur les funérailles d’un milicien à Gaza. La télévision montrait des hordes d’hommes en armes du Hamas et de l’OLP tirant des milliers de salves en l’air pour rendre hommage à leur dernier « martyr » ; et j’ai remarqué, juste à côté de moi, un membre libanais du Hezbollah – lequel avait pris part à de nombreuses attaques contre les Israéliens.
A quoi pense-t-il, demandais-je ? « Le Hamas essaye de tenir tête aux Israéliens », répondit-il. « Mais… » Et à ce moment-là, il s’est mis à fixer le plafond. « Ils gaspillent les balles. Ils tirent toutes ces balles vers le ciel. Ils devraient les utiliser pour tirer sur les Israéliens. »


Son point de vue, évidemment, était que le Hamas manquait de discipline, de cette sorte de sécurité et de discipline de fer et impitoyable que le Hezbollah s’est forgé au Liban et que l’armée israélienne a été enfin obligée de reconnaître au sud Liban en 2006. Les fusils sont des armes, pas des jouets pour les enterrements. Et Gaza n’est pas le Sud du Liban. Dans ce dernier bain de sang à Gaza, les deux camps feraient tout aussi bien de s’en souvenir. Le Hamas n’est pas le Hezbollah. Jérusalem n’est pas Beyrouth. Et les soldats israéliens ne peuvent pas prendre leur revanche sur leur défaite de 2006 au Liban en attaquant le Hamas à Gaza – même pas pour aider Mme Livni dans les élections israéliennes.




Ce n’est pas tant que le Hezbollah a remporté la « victoire divine » qu’il a prétendue, il y a deux ans. Parcourant les routes du Sud du Liban, alors que les Israéliens détruisaient les infrastructures du pays, tuaient plus d’un millier de Libanais – pour la plupart des civils – et rasaient des douzaines de villages, cela ne m’a pas semblé être une « victoire », théologique ou autre, du Hezbollah. Mais les Israéliens n’ont pas gagné et le Hezbollah a été capable de déployer des milliers de roquettes à longue portée, de même qu’un missile qui a embrasé un navire de guerre israélien et l’a presque coulé. Le Hamas n’a rien de tout cela pour égaler ce type d’armement.

Ils ne disposent pas non plus de l’autodiscipline pour combattre comme une armée. Le Hezbollah au Liban a réussi à purger sa région des informateurs. Le Hamas – à l’instar des autres groupes palestiniens – est infecté d’espions, certains travaillant pour l’Autorité Palestinienne, d’autres pour les Israéliens. Israël a assassiné, les uns après les autres, les dirigeants du Hamas – bien sûr, « assassinats ciblés » est leur phrase polie – et ils ne pourraient pas le faire sans, comme dirait la police, une « aide de l’intérieur ». Le précédent secrétaire général du Hezbollah, Sayed Abbas Moussaoui, a été assassiné près de Jibchit par un hélicoptère israélien lanceur de missiles, il y a plus dix ans, mais le mouvement n’a pas subi, depuis, de meurtre d’un de ses dirigeants. Dans la guerre de 34 jours de 2006, le Hezbollah a perdu environ 200 de ses hommes. Le Hamas en a perdu pratiquement autant le premier jour des attaques aériennes par Israël à Gaza – ce qui en dit long sur les précautions prises par le Hamas.

Cependant, depuis sa prise de Jérusalem en 1967, Israël – toujours prompt à annoncer la destruction imminente du « terrorisme » - n’a jamais gagné une guerre dans une ville urbanisée, que ce soit à Beyrouth ou à Gaza. Et il est important de se souvenir que l’armée israélienne, célébrée en chanson et dans les légendes pour sa supposée « pureté dans l’utilisation des armes » et ses unités « d’élite », s’est avérée, ces dernières années, être plutôt une armée de troisième rang. Elle n’a pas gagné une seule guerre depuis le conflit au Proche-Orient de 1973 – il y a 35 ans. Son invasion du Liban en 1978 fut un échec, son invasion de 1982 s’est terminé en désastre, poussant Arafat hors de Beyrouth mais permettant à ses alliés phalangistes vicieux d’accéder aux camps de Sabra et Chatila, où ils ont commis un massacre. Que ce soit dans le bombardement du Liban en 1993 ou dans celui de 1996 – qui s’est terminé dans le fiasco de Cana – ou la guerre de 2006, sa performance n’a été rien de plus que de l’amateurisme. En effet, si les armées arabes n’étaient pas encore plus désordonnées que l’armée israélienne, l’Etat israélien serait vraiment sous la menace de ses voisins.

Une des caractéristiques communes des guerres au Proche-Orient est la capacité de tous les antagonistes de souffrir d’aveuglement massif. La promesse d’Israël de « déraciner la terreur » - qu’elle soit de l’OLP, du Hezbollah, du Hamas, du Djihad Islamique, de l’Iran ou de tout autre sorte – s’est toujours avérée être fausse. « La guerre jusqu’au bout », a promis à Gaza le ministre israélien de la défense, Ehoud Barak. Absurdité. Exactement comme la vantardise de l’OLP – et la vantardise du Hamas ou du Hezbollah – de « libérer » Jérusalem. Poudre aux yeux. Mais les Israéliens ont généralement montré une propension dangereuse à croire leur propre propagande. Appeler plus de 6.000 réservistes et les disposer autour de la clôture de Gaza est une chose ; les envoyer dans les taudis de Gaza sera une autre paire de manches. En 2006, Israël a prétendu envoyer 30.000 soldats au Liban. En réalité, il n’en a envoyé que 3.000 – et au moment où ils ont traversé la frontière, ils se sont retrouvés face-à-face avec le Hezbollah. Dans certains cas, les soldats israéliens ont vraiment pris leurs jambes à leurs cous enfuis pour retourner sur leur propre frontière.

Ce sont des réalités. Toutefois, la probabilité d’une guerre pourrait être moins facile à calculer. Si Israël continue indéfiniment son blitz à un milliard de dollars contre Gaza – et nous savons tous qui paye pour cela – il y aura, à un moment ou un autre, un massacre individuel ; une école, un hôpital, une clinique prénatale ou simplement un appartement rempli de civils sera touché. Autrement dit, un autre Cana. A ce moment-là, une histoire familière nous sera contée : que le Hamas a détruit cette école/hôpital/clinique prénatale, que les journalistes qui font le reportage sur le massacre sont antisémites, qu’Israël est menacé, etc. Nous pourrions même avoir un parallèle identique à ce raid désastreux de la RAF dans la seconde guerre mondiale, que Ménahem Begin et Benjamin Netanyahou ont tous deux utilisé au cours du dernier quart du siècle précédent pour justifier le massacre de civils.

Et le Hamas – qui n’a jamais eu le courage d’admettre qu’il avait tué deux fillettes palestiniennes avec l’une de ses roquettes la semaine dernière – tirera cyniquement profit de cet accident en parlant de crimes de guerre et de « génocide ».

Alors, le bourrin onusien boiteux et profondément méprisé claudiquera vers la scène pour porter secours à l’armée israélienne et au Hamas et les sortir de cette petite guerre dégueulasse. Evidemment, des esprits plus sains pourraient appeler à mettre un terme à tout cela avant le désastre inévitable. Mais j’en doute.
Source :Questions Critiques


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