TUNISIE : Le gouvernement provisoire est légitime après le 23 octobre 2012 !

Par Farouk Ben Ammar, Ph.D
A l’approche du 23 Octobre 2012, le sentiment de l’urgence et de l’intolérable commence à gagner l’opinion publique.
A l’approche du 23 Octobre 2012, le sentiment de l’urgence et de l’intolérable commence à gagner l’opinion publique.
On agite, d’ores et déjà, l’idée de la non-légitimité du gouvernement provisoire après la date butoir du 23 Octobre 2012, une idée accompagnée de communiqués et de tracts plutôt lapidaires diffusés dans les réseaux sociaux. Une Date fixée par décret par un gouvernement de transition : Décret-loi du 10 mai 2011 !
Toutefois, il est utile de rappeler que cette la loi avait pour vocation d’énoncer des règles qui doivent, par suite, être revêtues d’une portée normative : Ce qui n’a pas été fait !

J’étalerais dans ce qui suit mon modeste point de vue, m’inspirant du cas de la Kabylie, espérant freiner un peu les ardeurs de certains de mes compatriotes, allant à la limite à l’encontre d’une notion aussi communément admise qu’erronée.
Rappel Historique
De part l’histoire moderne, maintes nations avaient mis en place des gouvernements provisoires jusqu’à ce qu’une nouvelle constitution soit élaborée et votée, dans la majorité des cas par REFERENDUM. Si jamais la constitution est rejetée, l’Assemblée Constituante n’a plus droit d’exister et conséquemment le gouvernement sauf par REFERENDUM !J’énumérerais ici-bas les pays qui ont connu des gouvernements provisoires et qui ne se sont dissouts qu’après l’élaboration d’une Constitution répondant aux aspirations de dignité et de liberté du peuple. (Wikipedia)
Ces pays sont, par ordre alphabétique et par région:
• Afrique du Nord : Algérie (1958 - 1962) - Égypte (2011) - Libye 2011.
• Afrique : Éthiopie (1974 - 1987) & (1991 - 1995) - Érythrée (1993).
• Asie : Corée (1919 - 1948) - Inde (1943) - Irak (2003 - 2004) - Iran (1979 - 1980) - Thrace (Turquie) (1913) - Viêt Nam 1975.
• Europe de l’Est : Roumanie (1989) - Russie (1917) - Tchécoslovaque (1939 - 1945).
• Europe Occidentale : Allemagne (1918 & 1945) - Belgique (1830) - France 1814, 1848, 1871, (1940 - 1944), (1944 - 1946) - Italie (1798 - 1799).
• Autre : Grenade (1979 - 1983) - Hawaï (1893 - 1894).
Dans quelques rares exceptions, des gouvernements provisoires ont étés renversés suite à un putsch militaire, à une insurrection populaire ou un coup d’État, soit démissionnaire comme c’était le Cas en Égypte en 2011.
La Légitimité des Gouvernements est Tributaire de la Garantie des Droits Naturels de l’Homme ?
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, est l’œuvre fondamentale de la Révolution Française, qui énonce une myriade de droits naturels individuels et collectifs et les conditions de leur mise en œuvre.Dans la déclaration française, le consensus s'est fait sur quatre (4) droits fondamentaux : La Liberté - La Propriété - La Sûreté - La Résistance à l'Oppression.
Dans son Article 2, cette déclaration proclame solennellement des « Droits Naturels et Imprescriptibles », ce qui signifierait qu'aucune autorité civile n'a mainmise sur ceux-ci.
Cependant, les droits fondamentaux sont soumis au bon vouloir de l'autorité légale, ce qui provoque les révolutions !
Ironiquement, face à l'autorité civile, les articles suivants de la déclaration s'efforcent, sinueusement, de transformer ces droits fondamentaux en des concepts abstraits, jusqu’à ce que « l'Homme » s'estompe devant « le Citoyen », et les droits devant la raison d’État, d’où les dérives autoritaires.
Droit Naturel et Droit Positif
Pour juger de la légitimité ou de la non-légitimité d’un gouvernement élu ou provisoire, il est impératif de comprendre et de dissocier les notions de « Droit Naturel » et de « Droit Positif ».Grosso modo, le « Droit Positif », tel que défini, concerne les règles et les fondements juridiques des États, qui confèrent la légitimité ou non des gouvernements, des lois faites par l’Homme.
Tandis que le « Droit Naturel » gère la sphère des droits dits « inaliénables » tels que définis dans la « Déclaration des Droits de l’Homme » et permettrait, moralement, au peuple de se soulever contre les gouvernements despotiques.
La déclaration des droits de l’homme constate quatre (4) Droits Naturels Fondamentaux : Liberté - Propriété - Sûreté - Résistance à l’Oppression.
Ce sont ces droits qui ont inspiré les pères fondateurs des États Unis d’Amérique qui ont rédigé la Déclaration d’Indépendance du 4 Juillet 1776.
Conclusions
L’échec du gouvernement face aux droits inaliénables de l’homme n’est ni prouvé ni démontré (saufs cas isolés) :• La Liberté : Liberté d’Expression, Liberté de la Presse sous toutes ses formes, Liberté de circuler, Liberté d’Association, etc…
• La Propriété : Respect de la propriété privée et des biens du citoyen...
• La Sûreté : La sécurité du citoyen et la sauvegarde de la vie humaine…
• La Résistance à l'Oppression : Droit à la quête du bonheur et de la prospérité, Droit à l’Equité et la Justice…
Vu à travers le prisme du « Droit Naturel », Il est admis que si un gouvernement, sous quelque forme qu’il soit, s’écarte sciemment et volontairement de la mission qui lui est assignée, i.e., celle de préserver les droits inaliénables des individus, il est alors du droit du peuple de l’abolir, et d’assoir un nouveau gouvernement : OR CE N’EST PAS ENCORE LE CAS !
Le gouvernement provisoire tunisien s’est employé à ce que les droits inaliénables de l’homme ne soient pas bafoués, et sur bien de sujets ses avancées sont réelles, bien que trop de faits militent pour l’inverse exacerbés par des troubles réguliers, dont les origines sont tout à la fois sociales, claniques, mafieuses ou encore liées à de nouvelles formes d’extrémisme religieux.
Ainsi, sous l’angle du Droit Positif ou du Droit Naturel, l’ANC et le gouvernement provisoire demeureraient toujours légitimes tant que la constitution n’est pas élaborée et que les Droits Cardinaux de l’Homme respectés.
En outre, le décret-loi en date du 10 mai 2011, n’écorce pas que le mandat de l’ANC est arrêté à une année ferme. Les imprécisions du vocabulaire utilisé empêchent toute certitude, rendant tout jugement biaisé.
En revanche, ce délais est clairement énoncé dans le décret présidentiel du 3 août 2011 concernant les élections de l’ANC. « …Un décret revêtant un caractère administratif… » dixit un juriste tunisien, ce qui laisse planer quelques ambigüités.
Le délai d’une année est un engagement purement politique et moral comme stipulé dans la déclaration du processus électoral. Cette déclaration a été signée par onze (11) partis politiques.
Cet engagement moral lie l’ANC au peuple, toutes obédiences confondues. Un peuple avec lequel il faut ébaucher la voie d’un compromis, au lieu de freiner des quatre fers à l’idée d’un moratoire de quelques mois salutaires pour la nation.
Hélas, quand l'hiatus se creuse entre la parole et l'action, comment garder une force de conviction sans réduire dogmatiquement les heurts du réel et de l'idéal.
L’échéance du 23 Octobre 2012, L’ANC ne perdra pas sa légitimité légale, mais jetterait le discrédit sur cette institution et lui donnera une image écornée qu’utiliserait à bon escient une certaine « caste politique » aux aspirations non nécessairement patriotiques.
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