La révolution de l’intelligence et de l’émo-gouvernance : dynamique des territoires et des terroirs

Pr Hafedh ABDELMELEK (*)

1. Introduction
Le territoire représente une forme d’organisation, de coordination, et d’harmonie inscrite dans l’espace favorisantessentiellement le bien-être (émotion-positive) des populations locales. Les bouleversements économiques et institutionnelsinduits par la révolution et la pandémie COVID-19, posent les questions sur les causes réelles de l’implication limitée de l’intelligence académique dans le développement socio-économique du pays et de la gestion politico-administrative sur le plan local.Ilestindispensable d’introduire auprès de ces territoires, un mode de participation efficace quipermet d’abord, d’élaborer une stratégie d’action et des agendas pour ensuite identifier et mettre en place lesoutils opérationnels permettant de traduire cette stratégie en projets à hautes valeurs ajoutées.La réflexion sur les interrelations entre l’intelligence et ladynamique de territoire doit impliquer les acteurs de l’innovation et de la transformation positive des émotions, qui contribue àla production de nouvelles marges de manouvres, en tenant compte de la diversité des acteurssur un plan d’émo-intelligence et en terme de rapports de force et de rôle dans la nouvelle construction territoriale.La réussite de tout projet de développement territorial tient alors à la qualité desinteractions entre le social (bilan émotionnel positif), l’économique, et l’environnemental.Aucun projet ne peut aboutir si celles-ci ne sont pas clairement définies plaçant l’Homme au centre du concept. C’est alors, lacapacité des acteurs locaux du territoire à créer des synergies entre eux, un degré de coordination et d’harmonie quileurs permettent une valorisation et une transformation efficace et efficiente des ressources naturelles.Dans le présent article nous nous intéressons à la notion de l’émo-gouvernance positive au niveau desterritoires, celle-ci nous interpelle par le fait qu’elle est l’une des conditions nécessaire, voireessentielle à l’émergence et à l’aboutissement des agendas et des groupements de développement. L’emo-gouvernanceterritoriale, selon l’émointelligence equation, se trouve à la base de toute dynamique territoriale et productive œuvrant à l’amélioration du bien-être des citoyens et des acteurs locaux.Ainsi, le passage d’une économie de chao à l’économie de marché associé au pluralisme politique nécessite l’adaptation de la réflexion sur ledéveloppement économique local. La stratégie de développement de chaque territoire doit commencer par les projets non rentables et les transformer en Groupements de Développement Economiques (GDE : un produit- un territoire- un terroir). La mise en place des DGEdoit être globale et la résultante d’une large concertation entre les différents acteurs locaux,institutionnels, publics et privés.La problématique du développement économique local classique repose essentiellement sur laplanification centralisée adoptant le modèle Top-Down qui favorise des actions d’investissement et d’équipements décidéspar l’Etat central aux régions caractérisées par une incohérence totale de la stratégie et de la mise en œuvre des projets associé à une emo-gouvernance obsolète.La visionéconomique a étéassignéeà des objectifs d’équilibre régional et d’intégration des territoires locaux au territoirenational indépendamment de la spécificité des territoires, des terroirs, des produits, et des traditions. Couramment, lesacteurs locaux n’étaient pas associés à la prise de décision (ou mal représenté) en matière de développementéconomique local et les actions dites du développement local sont dictées par le centreou par des centres locaux sans visions stratégiques. Il est de même pour les territoiresmunicipaux mal exploités et valorisés. La municipalité est désormais tenue théoriquement de préparer et d’exécuter sonplan de développement mais en réalité c’est un mode de gestion familial qui fait abstraction aux attentes de la population. Mais en réalité, le contenu définitif de ce plan est arrêté par une hiérarchie administrative qui a le pouvoir de reformuler tout projet. Théoriquement, ces agendas sont considéréscomme projet essentiel pour améliorer le cadre de vie du citoyen, et sont considérés commeune composante principale de l’intégration de l’économie territoriale à l’économie nationale. Devant l’ampleur de la crise économique due à la crise sanitaire de la pandémie COVID-19, et face à une tension sociale, nousassistons depuis longtemps à une remise en cause du modèle économique rudimentaire.Le changement du modèle économique doit passer par une révolution économique basée sur l’intelligence et la bonne émo-gouvernance. En matière de développement local, cette volonté de démocratisation du processus de prise dedécision s’exprime par la promulgation des deux codes de la municipalité et du gouvernorat, qui sont destinés à donner de nouvelles prérogatives aux think tank à injecter directement des orientations stratégiques de développement.Les transitions de l’économie de chao vers l’économie du marché doit constituer une nouvelle vision de l’état et des intellectuels. Nous sommesmaintenant convaincus que le modèle Bottom-up de gestion des informations scientifiques, économiques et neuro-économiques est en dysfonctionnement total ce qui explique le climat défavorable d’investissement pour les territoires.
Bien que les gouvernorats du nord disposent de potentialités inestimables en matière deressources naturelles lui permettant de devenir un pôle incontournable de l’économie nationale dans le domaine agro-alimentaire et des plantes aromatiques et médicinales, elle accuse un retard énorme en matière de développement au niveau del’ensemble des secteurs par l’absence d’une bonne émo-gouvernance. Cela se sent à travers le malaise (émotion négative) exprimé par les citoyens, à traversles interminables actions de protestation, sous toutes ses formes. Ce sentiment de marginalisation n’est que le résultat d’incohérence en matière del’implication de l’émo-intelligence positive des différents acteurs dans la prise de décision en matière d’imagination, d’innovation, de choix et de réalisation desprojets de développement.Tout au long de cette démarche d’analyse de la situation économique, ma problématique se traduit par la questionsuivante : quels sont les obstacles et les freins qui empêchent l’aboutissement des projets dedéveloppement et comment ces derniers sont impactés par lesmécanismes de l’émo-gouvernance.
La défaillance des mécanismes de l’émo-gouvernance impacte négativementles projets de développement local, autrement dit, l’absence de concertation etd’interaction entre les acteurs des territoires, entravent le bon déroulement voirel’aboutissement des projets de développement socio-économique.
Le projetdynamique des territoires et des terroirs s’inscrit dans un projet à long terme entre le monde de la recherche et l’environnement socio-économique et plus particulièrement la collectivité régionale. Ce projet, dans une démarche pluridisciplinaire d’économie, de science, de sciences humaines et sociales, s’attache à mieux comprendre ce qu’est l’innovation dans un tissu économique fatigué par la crise sanitaire de la COVID-19. Cette démarche est bien sûr académique mais pas seulement : à travers une recherche ouverte aux acteurs régionaux, elle se construit par une co-production de connaissances, en particulier avec les entrepreneurs ou les agriculteurs concernés, sur l’innovation et la recherche. Ce travail de recherche contribue ainsi à l’élaboration et au déploiement d’une « stratégie régionale de l’innovation », sur la base d’analyses et de diagnostics établis (Projet Neurone). Le projet Neurone est un projet interdisciplinaire sur le développement des régions (cluster : Université-Territoire-produit) basé sur l’innovation. Ladite démarche permet la mise en place d’outils collaboratifs entre université, centre de formation professionnel, monde professionnel et institutions, tels qu’une plateforme (tool box) de connaissances sur l’innovation et l’entreprise qui pourra se déployer à partir de 2022. Plus généralement, la plateforme d’innovation contribue à accompagner les scientifiques,les politiciens, les politiques d’emploi, et les décideurs.
2. Présentation du plan stratégique desUniversités et des Think Tank pour le développement régional
Les Universités et les think tank doiventoccuperuneplacedans l’accompagnementscientifique ettechniquedes différents Ministères dans la prise de décision selon des manuels de procédures adaptés au contexte. L’objectif de la présente démarche estdeparticiper activementàfairedelavaleur ajoutée vendablevialavalorisation dusavoir et du savoir-faire des Universitaires et des Centres de Formation professionnelle.Pourcela,lapropositiondesproblématiques de recherchedoitêtreenrapportavecles besoinsréelsdelarégion et du pays. Nosinstitutionsjouerontunrôlepionnierdanslesoutien au développementdes prototypes,des services oudeproduits innovants parlebiais delamiseenplace d’unestratégiepermettantl’accèsaux moyenstechniquescomplémentaires del’Université et des Centres de Formation professionnelle.Ilestindéniablequel’investissement,des universités et des Centres de Formation professionnelle,estimportantaussi bienentempsqu’eneffortd’étudeetqu’ilnesoitpas valoriséparl’environnementsocio-économique.Ilestimportantdès lors devalorisercesavoir et savoir-faireafinqu’ilnereste pasprisonnierdesétagèresdelabibliothèqueetqu’il soitlargementdiffuséetdonc partagéparlesjeunespromoteursoubienparlesindustriels.
Actuellement,l’employabilitédes diplômés restetrèslimitéeen raisonde l’inadéquation des programmes d’enseignements avec les besoins réels du pays et l’absence des services recherche &développement (R&D) dans les grandes entreprises.Lesrégionsavec leurs services R&D vontcontribueràmettresurlemarchénationaletinternationaldes technologiesinnovantesestessentiels pourl'emploi etpourlacompétitivitédel'industrienationale.
3. Stratégie d’ouverture des technopôles
L’interaction université-technopôle-environnement socio-économique suppose l’élaboration d’un principe général de partenariat (gagnant-gagnant) et surtout l’élaboration d’un processus innovant à long terme d’adéquation dynamique des objectifs, des fonctions et des moyens. Les départements des Technopôles,parleursproximitésdesprincipaux pôles scientifiques, techniques, agricoles, etindustriels doiventoccuperuneplacedans l’accompagnementdespromoteurs, des industriels, des agriculteurs et de développer de nouveaux concepts (concept innovant un produit, un terroir, et un territoire) pour dynamiser les régions.
4. Déroulement de la cartographie des terroirs et des territoires.
Le technopôle doit piloter le projet et programmer des discussions des plans de gestion des régions avec la population et les autorités puis élaborerdes cartes précisant l’organisation des activités agricoles et industrielles. La représentation cartographique et la planification des cultures et des projets industriels réalisés de façon participative, sont des outils qui favorisent la prédiction, l’anticipation, le dialogue entre les populations locales, les experts, et les gestionnaires de l’État. L’exercice de planification des cultures (un terroir & un territoire) peut aussi favoriser un développement économique local et régional via le développement d’unités industrielles dans le technopôle sous exploités selon le concept Cluster (population-technopole- Universités, Banques,…). Le contrat-programme est un projet d’écodéveloppement, il s’est donné pour tâche de faciliter un transfert vers les territoires de droits de gestion des ressources naturelles (forestières, plantes aromatiques et médicinales (PAM), miel, bois, …etc.) auparavant appartenant à l’État. En raison de ce décalage entre les informations officielles et la réalité, l’un des premiers objectifs de cette cartographie était alors de définir l’espace fonctionnel pour les municipalités puis généraliser la méthodologie pour tout le territoire.
5. Création d’un Centre d’expertise.
Le Centre d'expertise est un organisme qui doit être développé dans et par le technopôle dans les sciences des aliments, l’agriculture, l’environnement, l’industrie, les normes et les procédés,…etc. Sa mission est de renforcer les capacités du technopôle et des territoires à planifier, évaluer et améliorer la qualité de leurs activités, programmes, processus en s'appuyant sur des pratiques fondées sur des données scientifiques et techniques probantes orientés vers des terroirs disponibles. Le Centre d’expertise doit faire avancer la mise en œuvre de bonnes pratiques afin de favoriser la prestation de services de qualité aux régions.
Le Centre d’expertise est aussi un incubateur de talents issus des régions ou des établissements universitaires ou professionnels via la structure Interface, permettant à des jeunes étudiants et diplômés de participer à des projets afin de développer et de mettre en pratique leurs compétences dans des start-ups. Le Centre doit créer un réseau national et international influent, dynamique et diversifié, formé de personnes ayant une solide expérience dans leurs régions et qui en vertu de leurs expériences ont un intérêt en lien avec la planification, l'évaluation et l'amélioration de la gestion des territoires et des terroirs.Le Centre évalue la qualité des services, des programmes étatiques et privés, et les mécanismes de financement par région (formation, encadrement, financement,….etc.).Ainsi, le Centre actualise les cartes des territoires et des terroirs par la préparation de logigramme et de cartographie de la chaîne de valeur.
* Pr Hafedh ABDELMELEK
Faculté des Sciences de Bizerte, Université de Carthage
Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts, Carthage, Tunisie.
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