Le FMI avertit sévèrement le gouvernement tunisien pour sa gestion à l’aveuglette des deniers publics

Asef Ben Ammar (*)
Il y a quelques jours, le FMI (Fonds Monétaire International) adresse au gouvernement tunisien un rapport particulièrement alarmant et menaçant
. Ce rapport souligne en rouge foncé et sérieusement l’incapacité des ministres et hauts fonctionnaires du gouvernement à mesurer l’impact de leurs décisions et règlementations, surtout dans un contexte marqué par des caisses publiques quasiment dans à terre (presque vides), sans marge de manœuvre et maintenues artificiellement sous perfusion. Grâce à une mendicité immonde et des prêts internationaux désormais consentis en reculant avec taux exorbitants. Et pour cause, les agences de cotation dégradent dramatiquement la crédibilité du gouvernement à honorer ses engagements dans des horizons de courts et moyens termes.
Il y a quelques jours, le FMI (Fonds Monétaire International) adresse au gouvernement tunisien un rapport particulièrement alarmant et menaçant


La capacité du Premier ministre et de ses ministres seniors est mise en jeu, considérant leur autisme, amateurisme et «flagrants délits» dans de nombreux dossiers récemment mis en exergue par les médias. Je ne les nomme pas, tellement ils sont nombreux, scandaleux et accablants.
Avant d’aller plus loin et pour des raisons de crédibilité, voici un extrait de ce rapport désormais accessible sur le web. Le rapport, dans sa page 51, mentionne en toutes lettres aux responsables gouvernementaux (ministres notamment) « Aucune évaluation indépendante du budget n’est formellement prévue. Les institutions budgétaires tunisiennes ne comprennent pas de dispositif d’évaluation indépendante. La Cour des comptes n’a aucune compétence sur les projets de budget et n’émet aucune opinion à cet égard. La BCT dispose d’une expertise pour analyser les hypothèses macroéconomiques et financières, mais elle ne prépare ni ne publie aucun commentaire sur les projets de budget annuel. Le Parlement ne comprend pas le service budgétaire spécifique, même si les parlementaires sont assistés par quelques fonctionnaires attachés aux commissions des finances. Les économistes de banques ou universitaires s’expriment peu sur ces sujets. ». Le rapport est téléchargeable au lien suivant : www.imf.org/external/french/pubs/ft/scr/2016/cr16339f.pdf

C’est simplement effarant que les universitaires économistes de la Tunisie fassent profile bas, business as usual, se cachent la tête, faisant l’autruche et n’osant pas se mouiller, même si leurs propres caisses de sécurité sociale et de retraite sont sur le bord de la faillite! Simplement incompréhensible!
Les propos du FMI font référence à l’incompétence patente des ministres et des hauts fonctionnaires en matière d’évaluation, de réédition de compte et de gestion axée sur les résultats. Pire encore, les experts du FMI font référence à un illettrisme handicapant en matière d’évaluation, particulièrement chez les ministres gérant les plus gros portefeuilles, à savoir de dizaines de milliards de dinars, ou d’euros empruntés à grands frais.
Prenons par exemple, le dossier des logements sociaux et les signataires passés avec arrogance à la télévision. Ces signataires solennellement soumis et concentrés (yeux bas) pour signer un programme au profit des plus démunis, mais en confiant l’argent aux plus nantis d’un club fermé d’entrepreneurs de Sousse et de Tunis. On y remarque avec effroi, le Premier ministre, paradant sans vergogne, sa ministre des Finances (en bon-enfant naïve et domptée), son ministre de l’Équipement (stoïque et téléguidé par des intérêts opaques), le Gouverneur de la Banque centrale en personne (en stipendié prêt à tout, malgré ses cheveux blancs et mon respect à son passé).

Oui, tous à la télé pour une entente fumeuse et pour signer des dépenses qui coutent des milliards pour les contribuables, sans jamais bénéficier d’évaluation préalable (ex ante). C’est simplement scandaleux, digne de la Tunisie des années 60.
Dieu merci, certains parlementaires plus allumés que ces signataires montrés en «flagrant délit», montent au créneau pour bloquer et demander des explications, voire même la démission des principaux fautifs, malgré leur naïveté et pardon manifeste et déplorable, y compris le Premier ministre et son excellence le gouverneur de la Banque centrale.
Dans les pays démocratiques qui se respectent, un gouverneur de la Banque centrale ne courbe pas facilement l’échine pour se soumettre patte blanche aux dictats du gouvernement, à moins qu’il ait lui aussi des comptes ailleurs dans les paradis fiscaux. En principe, le gouvernement gère la politique économique et la Banque centrale gère à distance la politique monétaire de façon neutre et impartiale, considérant que les acteurs économiques sont rationnels et anticipent les bavures monétaires et fiscales.
L’autisme du gouvernement actuel quant à l’importance de l’évaluation des politiques est simplement contagieux et préoccupant.
Pourtant l’évaluation des programmes gouvernementaux n’est rien d’autre qu’un processus récurrent et systématique qui utilise les méthodes de recherche rigoureuses pour statuer sur la conception, la pertinence, l’efficacité et les retombées (directes ou indirectes) des mesures envisagées et des milliards engagées. Cela s’apprend et le premier ministre ainsi que le président du parlement peuvent organiser à ce sujet des formations pour leurs subalternes, pour ne pas gaspiller les deniers publics par des décisions et réglementations âprement discutées, mais au bout du compte décidées à l’aveuglette.
Le verdict du FMI n’est pas seulement destiné aux gouvernements et aux médias; pire encore il met en cause le silence complice des universitaires et pseudo-experts économistes montrés maquillés à volonté sur des plateaux de télévision et d’amusement de foules inconscientes; et à des années-lumière des enjeux en présence. Une société sans intellectuels intègres et avertis est une société sans immunité ni défense!
Un gouvernement sans conviction et engagement pour mesure ses performances et les impacts de ses actions ne peut pas apprendre de ses erreurs, et encore moins donner des leçons en faveur d’une gouvernance éclairée par les résultats des évaluations et respectueuse des sacrifices des payeurs de taxes. Ceux-ci se privent de consommation en payant des taxes, pensant confier ces taxes à un gouvernement honnête, sensé, intègre et surtout transparent.
Faute de quoi, le gouvernement actuel persiste, peut-être sans le savoir, à décevoir ses citoyens, ses électeurs et ses agendas électoraux.
Asef Ben Ammar,
Ph. D. Universitaire
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