Assia DJEBAR, la dame de fer de la littérature maghrébine

la journaliste franco tunisienne fériel Berraies Guigny. Paris
Pionnière de la cause des femmes en Algérie, elle a fait de la femme, le thème central de ses oeuvres. Depuis son premier roman « La soif » (1957) , Assia Djebar est engagée dans un combat pour l’émancipation de la femme et pour la libération du corps. Elle revendique ces espaces justement interdits par la société masculine.
C’est l’une des premières femmes à écrire à la première personne du singulier, utilisant le «Je» dans la littérature maghrébine. Le «je» explique-t elle « permet de se déclarer, mieux encore, il permet de s’affirmer en tant que personne et en tant que corps qui occupe une position dans un espace et dans un temps donné, donc d’exister ». Cette écriture devient d’autant plus complexe, « lorsqu’on décide de s’exprimer en français, dans la langue de l’autre, car c’est la langue survenue avec la colonisation ».
Pionnière de la cause des femmes en Algérie, elle a fait de la femme, le thème central de ses oeuvres. Depuis son premier roman « La soif » (1957) , Assia Djebar est engagée dans un combat pour l’émancipation de la femme et pour la libération du corps. Elle revendique ces espaces justement interdits par la société masculine.
C’est l’une des premières femmes à écrire à la première personne du singulier, utilisant le «Je» dans la littérature maghrébine. Le «je» explique-t elle « permet de se déclarer, mieux encore, il permet de s’affirmer en tant que personne et en tant que corps qui occupe une position dans un espace et dans un temps donné, donc d’exister ». Cette écriture devient d’autant plus complexe, « lorsqu’on décide de s’exprimer en français, dans la langue de l’autre, car c’est la langue survenue avec la colonisation ».
Quand on lui demande pourquoi elle écrit en français, elle répond J’écris en français, parce que c’est la langue que j’ai apprise à l’école. Mais le français que j’utilise baigne dans une atmosphère arabe(…) J’ai dit aux Français que je suis contre l’unicité de la langue comme cela a prévalu du temps du colonialisme. J’ai aussi décidé de quitter l’Algérie lorsque le module d’histoire que j’enseignais à l’Université d’Alger a été arabisé. Je continue à m’opposer à toute orientation qui voudrait consacrer l’usage d’une seule langue , explique-t elle.
Dans son roman « l’amour, la fantasia », elle raconte comment elle accède à la connaissance du monde, et comment elle tente alors l’écriture de la parole identitaire. Elle dénonce également les pratiques d’une société qui se réclame de la religion musulmane. Elle souligne l’hypocrisie

De là, le savoir aurait du se présenter comme liberté première, c’est presque une liberté «divine» dont la femme est privée au nom même de cette religion qui pourtant la recommande. Et, pourtant le Coran dit: «Chacun, homme ou femme, sera tenu pour responsable de soi-même» (1)Sourate des femmes. Paradoxalement, certaines sociétés n’ont jamais accepté que la femme soit responsable d’elle-même. Elle restera un être maintenu sous tutelle, lui refusant toute identité propre. L’écriture d’Assia Djebar veut lever tous ces interdits, pour aller ailleurs, vers cet espace tant convoité, celui de l’homme.
Permettre aussi au corps de se dévoiler et d’investir le dehors, dire «je» en tant que sujet capable de s’exprimer, de manifester ses propres opinions, de se séparer du groupe, du «nous» sociétal.
Historienne, Assia Djebar a fait appel aux témoignages des femmes qui assurent la survie de la parole des ancêtres et qui ont permis ces histoires orales qui se transmettent de génération en génération. L’écrivain parcourt le temps à la recherche de la mémoire de ses aïeules pour faire surgir du passé la vérité historique. Témoins oubliés, voix ensevelies vont tenter une douloureuse percée à travers les couches sédimentaires de la mémoire, cris, voix, murmures, voix à la recherche d’un corps, voix prenant corps dans l’espace. L’auteur met en scène dans son roman « L’amour, la fantasia » un nouveau type de discours historique émanant d’instances exclusivement féminines. Discours se fondant sur la transmission orale. Tentant de réécrire cette histoire occultée par les hommes et rendant ainsi hommage aux aïeules qui ont su garder intact l’héritage du passé.
Traduite dans une quinzaine de langues, l’œuvre d’Assia Djebar a été primée à plusieurs reprises. Elle a notamment reçu en 2000, le Prix de la paix attribué par les éditeurs et libraires allemands pour une oeuvre littéraire qui plaide en faveur des femmes des sociétés musulmanes. Outre les romans, la Soif en 1957 (son premier roman), Les Impatients, 1962, Les enfants du nouveau monde, Les alouettes naïves en 1967, L’amour, la fantasia, en 1985, suivi d’Ombre sultane en 1987 (et qui vient d’être réédité en février 2006), Loin de Médine, en 1991, Vaste est la prison, en 1995, Le Blanc de l’Algérie en 1996. Assia Djebar a écrit également pour le théâtre et a réalisé plusieurs films.
Son avant dernier roman, La Femme sans sépulture, est un hommage à une héroïne de la guerre d’Algérie dont les enfants n’ont jamais pu enterrer le corps...
Les regrets d’Assia Djebar c’est de n’avoir pu mener une carrière cinématographique. J’ai souhaité allier l’écriture littéraire et le cinéma comme le suédois Ingmar Bergman et l’Italien Pasolini. Mais des entraves ont été dressées devant moi. Le seul qui m’a aidée lors de la réalisation de ‘’La Nouba des femmes du Chenoua’’ c’était Mohamed Bedjaoui. (actuel Ministre des Affaires Etrangères algérien). Lors du Festival de Carthage en 1978, des réalisateurs algériens avaient tout fait auprès des responsables tunisiens pour disqualifier son film malgré la grande admiration qu’a montrée Fatène Hamama, présidente du Festival, pour cette œuvre. Ce n’est qu’une année plus tard, au Festival de Venise, que ‘’La Nouba’’ fut couronné du Prix du jury.
Assia Djebar qui est un auteur « très inaccessible » ( pour la presse arabe et française) vient de faire paraître aux Etats-Unis, (où elle réside) son nouveau libre « les enfants du nouveau Monde » (2006).
Traduit par l’universitaire américaine spécialiste de la littérature francophone, Marjolijn De Jager, le nouveau livre de Assia Djebar replonge le lecteur, à travers des portraits de plusieurs personnages hauts en couleur dans le monde féminin de la société blidéenne (où l’auteur a fréquenté le lycée de jeunes filles de la ville), dans l’univers des atrocités et des angoisses de la guerre de Libération nationale, durant l’année 1956.
Biographie
De son vrai nom Fatma-Zohra Imalayène, Assia Djebar, est née à Cherchell le 4 août 1936. De père instituteur, elle est ancienne élève de l'ةcole normale supérieure de Sèvres (1955). En 1958, Assia Djebar publie chez Julliard, éditeur de La Soif (1957), son second roman Les Impatients (1958) et suit en Tunisie son mari entré dans la clandestinité.
La guerre d'Algérie entre alors dans sa quatrième année. C'est à Tunis qu'Assia Djebar, tout en préparant son diplôme d'histoire à l' université, rédige pour El Moudjahid auprès des réfugiés algériens à la frontière, les enquêtes dont elle s' inspirera pour la toile de fond de son quatrième roman Les Alouettes naïves..
Ensuite, études d'histoire (Moyen Age arabe et Maghreb du XIXe siècle) sous la direction de Louis Massignon et Jacques Berque. Docteur es lettres de l'université de Montpellier. Professeur d'université à la faculté d'Alger : d'histoire de 1962 à 1965, de littérature française et de cinéma de 1974 à 1980.
De 1983 à 1989, elle siégera au conseil d'administration du Fonds d'action sociale (F.A.S.) en tant que représentante de l'émigration algérienne, désignée par le ministre des Affaires sociales Pierre Bérégovoy. Elle sera spécialiste de l'image de l'émigration à la télévision française, charge dont elle a demandé à être libérée en 1989. En tant que membre fondateur du Parlement international des écrivains depuis 1993, elle contribuera à permettre à des écrivains algériens et d'autres pays du Tiers-monde de bénéficier de bourses dans des villes refuges en Europe. Docteur honoris causa de l'université de Vienne (Autriche) et Distinguished Professor et directrice du Centre d'études françaises et francophones de Louisiane (le centre de recherches francophones le plus important des universités américaines) depuis 1997. Elle collaborera avec l'ةcole des Hautes ةtudes en sciences sociales, l'Université de Paris Diderot et le C.N.R.S. Traduite dans une vingtaine de langues, sa bibliographie comportant une dizaine de titres (L'Amour, la Fantasia, Ombre sultane, Chronique d'un été algérien, Vaste est la prison, Le Blanc de l'Algérie, Ces voix qui m'assiègent, La Femme sans sépulture), Mme Djebar est familière des prix littéraires, surtout quand ils sont décernés à l'étranger, notamment en Allemagne, aux ةtats-Unis – où elle enseigne – et en Italie. Consécration suprême, le 16 juin 2005, elle sera élue à l'Académie française au fauteuil de M. Georges Vedel (5e fauteuil). En janvier 2006, elle recevra à Turin le Prix spécial international Grinzane Cavour de littérature.
Abordant son élection à l’Académie française, Assia Djebar dira plus tard, que c’est l’historien Pierre Nora, lui-même membre de l’Académie française, qui la contacta pour donner son point de vue sur une proposition émise par un groupe d’académiciens relative à son éventuelle élection à la prestigieuse institution. Pierre Nora lui aurait présenté de solides arguments pour la convaincre. Assia Djebar affirme avoir beaucoup hésité avant d’accepter de présenter sa candidature. L’entrée dans l’assemblée des Immortels eut néanmoins lieu le 16 juin 2005.
L’auteur justifiera ses hésitations par le fait que ses œuvres ne bénéficient pas en France de la même audience qu’en Allemagne par exemple ». Elle expliquera avoir plusieurs fois décliné des demandes d’entretien émanant de journaux et revues. Ajoutant qu’elle n’aime pas participer aux émissions télévisées, « je considère tout cela comme du cirque. En France, je suis considérée comme trop nationaliste et je ne possède pas de partisans dans le milieu littéraire français. En Algérie, je craignais de paraître non pas comme écrivaine francophone mais plutôt comme écrivaine française.
Aujourd’hui Assia Djebar réside à New York et enseigne la Francophonie.

Fériel Berraies Guigny
www.journaliste.montaf.com
feriel.book.fr
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