Il faut développer l’agriculture pour résoudre les problèmes liés à l’aggravation de la balance commerciale alimentaire

Amine BEN GAMRA (*)
Expert Comptable
Expert Comptable
Pendant de nombreuses années, la Tunisie a négligé son secteur agricole. L'attention de l'État et celle de la Banque mondiale ont été prodiguées sur le tourisme et l'industrie.
La balance commerciale alimentaire a enregistré durant le mois de novembre 2019 un déficit de 1,4 milliard de DT fin novembre 2019 contre un déficit de 0 ,4 milliard de DT durant la même période de l’année précédente. L’aggravation de déficit est le résultat de la hausse de la valeur des importations en particulier celles des céréales et la réduction du rythme des exportations de l’huile d’olive.
Principaux produits importés à fin novembre 2019
La Tunisie a importé jusqu’à fin novembre 2019 près de 523 mille tonnes de blé dur, 1218 mille tonnes de blé tendre, 489 mille tonnes d’orge et 971 mille tonnes de Mais. Par ailleurs, les parts des produits importés dans les importations alimentaires totales à fin novembre 2019 se présentent comme suit :

Principaux produits exportés à fin novembre 2019
La Tunisie a exporté jusqu’à fin novembre 2019 près de 147 mille tonnes d’huile d’olive (soit une baisse de 61 mille tonnes par rapport à fin novembre 2018) et 100 mille tonnes de Dattes. Par ailleurs, les parts des produits exportés dans les exportations alimentaires totales à fin novembre 2019

Problèmes structurels
L'agriculture souffre d'une population vieillissante (43% des agriculteurs ont plus de 60 ans), une population moins scolarisée et où la moitié de ceux qui cultivent la terre ont un emploi saisonnier.
Les lois sur l'héritage continuent de diviser la propriété foncière, réduisant ainsi la surface de terre que chaque famille peut exploiter.
À mesure que le climat s'assèche et que les ressources en eau deviennent plus coûteuses à exploiter, la nécessité de soutenir une agriculture à grande échelle augmente.
Une grande partie des terres de l'État sont en friche, dans les régions du nord et du centre. Par ailleurs, les services de la direction régionale des domaines de l’Etat à Béja ont récupéré jeudi 05 décembre 2019 une ferme domaniale agricole dénommée « Saidiya » d’une superficie d’environ 548 hectares, située dans la délégation de Gbollat du gouvernorat de Béja. La ferme agricole comprenant des terrains labourés (378 ha), des plantations d’amandes (100 ha) des terrains non labourés ainsi que des espaces destinés aux constructions. A noter qu’environ 14.443 hectares de terrains domaniaux ont été restitués jusqu’à ce jour dans le gouvernorat de Béja.
A cela s’ajoute l’absence d’une vision stratégique, rappelons à titre indicatif, le record enregistré en Tunisie cette saison dans le domaine de la culture céréalière et la déclaration du ministre de l’Agriculture que la récolte céréalière, au titre de la saison 2018/2019, permettra de réduire les importations des denrées alimentaires et d’économiser près de 350 MDT mais devant l’incapacité du gouvernement de protéger et de stocker les récoltes de blé du pays, la valeur des importations des céréales augmente.
Par ailleurs, l’Etat n’est pas en train de jouer son rôle de réguler le marché. Par exemple, la Tunisie s’attend, cette saison, à une récolte record d’huile d’olive alors que les prix de vente des olives connaissent, ces derniers jours, une forte baisse, ce qui met l’agriculteur dans l’incapacité de couvrir les dépenses de la production.
D’autre part, il y a lieu de signaler que ce secteur manque de financement. En effet, la Banque Nationale de l’Agriculture ne détient que 35% de son portefeuille de prêts aux agriculteurs. Sachant que les prêts à l'agriculture représentent un maigre 4% de l'ensemble des prêts.
Le mépris de l’ancienne élite tunisienne à l’égard de l’agriculture prévaut encore, alors que de nombreux jeunes semblent se contenter de vivre maigre dans les villes plutôt que de gagner un meilleur revenu sur leurs terres.
L’agriculture est l’avenir de la Tunisie et la solution adéquate
L’agriculture peut contribuer à créer des emplois dans le pays et participer significativement à la relance économique mais il faut inaugurer une nouvelle ère de prise de décision rationnelle surtout au niveau des grandes exploitations pour encourager la production à grande échelle.
La Tunisie doit développer la production et l’exportation d’huile de qualité et de dattes ce qui apporte des recettes en devises précieuses.
La Tunisie pourrait aussi développer de nombreuses productions de niche, telles que les amandes. En effet, la Californie fournit 80% de toutes les amandes consommées dans le monde et l'UE importe 70% de sa consommation de ce produit. Pourquoi l'État n'encourage-t-il pas la plantation d'amandiers et de pistachiers: un produit de grande valeur et sur lequel l'UE n'impose aucun quota?
* Commissaire Aux Comptes
Membre de l'Ordre des Experts Comptable de Tunisie
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