L'art de
le cas algérien comme exemple
Mohamed Kasdallah
Mohamed Kasdallah
La corrélation entre le terrorisme algérien et le terrorisme tunisien est aujourd'hui une évidence. Les deux phénomènes sont génétiquement nés de la même matrice: le Wahhabisme - Takfirisme , idéologie qui n'est pas née chez nous mais importée clés -en - main de l'Orient.
Par cette contribution, j'ai voulu rassembler des éléments, des analyses, des appréciations recueillis lors d'un séjour de trois ans en Algérie au summum de la crise sécuritaire qui a frappé ce pays frère, et qui seraient de nature à apporter des éclairages sur les recoins sombres et inédits de la nébuleuse intégriste.

Le virus intégriste a été introduit dans la société algérienne dans les années 80 -90 alors que les citoyens affrontent les conséquences d'une politique désastreuse à tout point de vue. Tout s'additionne: Un gigantesque boom démographique, une analphabètisation galopante, une économie sinistrée dans tous ses secteurs et une dégradation sans précédent des conditions de vie.
L'annulation des élections gagnées par le FIS en 1991 et la dissolution de ce parti étaient des motifs suffisants pour proclamer le jihad contre un régime d’apostats . C'est dans ces conditions socio-politico-économiques que l'islamisme va s'intensifier, se radicaliser et finir par faire démarrer la terrible machine de guerre dont les résidus perdurent jusqu'à nos jours. Des ricochets ont franchi nos frontières créant des foyers de turbulence attisés par l'ouragan qui sévit actuellement en Libye.
Au départ, l'action intégriste a commencé plus ou moins dans la clandestinité puis elle est devenue carrément visible sans, pour autant, que les autorités n'essayent de voir ce qui se passait à l'intérieur de l'organisation dite ikhwania . C'est pourtant là où réside ce qui allait faire basculer le pays dans le chaos .
Dès qu'il est sorti des cercles étroits où il a pris naissance, l'intégrisme a mis en place des structures de recrutement et de formation de ses militants à travers un réseau national de mosquées. La cellule de base est appelée Ousra . Le recrutement a lieu individuellement en ciblant les jeunes cas par cas, étape par étape.
tape 1 :
Le jeune était invité à un Derss sur la religion généralement par un ami du quartier, un collègue de travail ou un camarade de classe, en qui il n'a aucune raison de s'en méfier. Le cours avait lieu à la mosquée.
Le scénario était minutieusement préparé. Le jeune y trouvait d'autres jeunes de son âge, plus ou moins de sa condition sociale. Il est aussitôt accueilli avec beaucoup de chaleur. Dès le premier instant, il devient frère en Dieu . Il est, désormais, membre de la Ousra. L'ambiance au sein de cette cellule est à la sérénité, la ferveur, et la bonté.
A cette étape, l'émir ne parle que selon l'interprétation des idéologues et des maîtres à penser de l'intégrisme. Le discours est évidemment séduisant par rapport aux déperditions de la rue.
Dès le début, le jeune est effectivement et affectivement pris en charge. On veille sur lui, ses besoins, sa scolarité... etc. On l'accompagne chez lui. On va l'y chercher. On lui envoie un couffin si sa famille est démunie. On prend en charge son mariage (qui est recommandé le plus tôt possible) ou la construction de sa maison.
Bref, on ne le lâche plus. Il devient membre entier de la famille . Le jeune est progressivement happé par l'organisation.
Cette étape dure un certain temps, en fonction de l'adhésion au groupe de la nouvelle recrue. L'émir est tenu pour personnellement responsable de la qualité de l'élément dont il prend en charge la formation. Il lui est recommandé de ne pas précipiter le passage d'une étape à l'autre.
L'objectif de cette première étape est de faire en sorte que le jeune soit poussé à prendre distance de ses anciennes habitudes et fréquentations. Petit à petit, il devient un modèle de comportement. Les réflexes de pratiquant lui suggèrent un complexe de supériorité vis-à-vis de ses voisins, de ses amis voire de sa famille.
Les membres de la Ousra font un cercle qui ne cesse de s'élargir autour de l'émir, c'est la halaka . On distingue deux genres, la générale , ouverte à tout le monde et la spécialisée prévue pour les initiés .
L'émir lui-même, rarement âgé, apparaît comme un modèle de piété. Il jouit d'une grande considération auprès des membres de son groupe. Il semble n'être attaché à aucun bien matériel et comme détaché de la vie. Il a le verbe facile, le vocabulaire riche et une grande capacité de mémorisation des hadiths . A force de pratique, il n'énonce pas son derss , il le vit littéralement et réellement. Il module sa voix à merveille lui donnant l'intonation des mots. Il crie, il murmure. Il prend des pauses. Il reprend. Il vibre. Il a les larmes aux yeux. Il éclate en sanglots.
Le jeune est sous le charme. Il pleure. La charge émotionnelle est trop forte. Il ne ratera plus aucun cours. Le seul lieu où il se trouve dans son élément devient la mosquée et précisément la Ousra.
Progressivement le jeune s'enfonce imperceptiblement dans un monde immuable et statique, figé une fois pour toute. Toutes ses anciennes habitudes sont remodelées jusqu'au rythme de la journée, jusqu'à' ses habitudes vestimentaires. Il ne s'habille plus que pour la prière. La notion du temps prend une autre dimension. Ses rendez-vous, ses préoccupations n'ont plus lieu qu'avant ou après telle ou telle prière.
Les conséquences immédiates de cette phase est la mise en veilleuse de ses réflexes et ses sens de manière à être prêt à entamer l'étape suivante qui n'est rien d'autre que ce qui pourrait s'apparenter à un véritable lavage de cerveau .
tape 2 :
La Ousra passe à l'application du principe du khourouj fi sabil Allah . Il s'agit d'une série de sorties pour rendre visite aux malades des hôpitaux, aux pauvres des quartiers populaires, aux cimetières pour prier sur les morts .
Enfin survient la grande sortie pour une visite à une autre Ousra dans une autre ville ou village. L'événement est présenté comme une simple excursion agréable qui casse la monotonie à laquelle est soumis le jeune. Mais il en revient totalement bouleversé, quasiment en état de choc. Il se rend compte à quel point il est loin d'être un vrai musulman. Il a rencontré une Ousra de jeunes qui passent leur nuit en prière Quiem EL leyl . Ils jeûnent tous les jeudi et lundi. Ils mangent très sobrement. Ils ne font pas leur Tahara seulement en cas de besoin mais la font systématiquement pour chaque prière car même si leurs corps n'ont pas été souillés, leurs yeux, leurs oreilles, leurs mains ont vu, entendu, touché des souillures, ne serait-ce que parce qu'ils ont touché par mégarde ( par exemple dans un bus ) une femme, vu une affiche ou entendu en passant dans la rue une chanson .
A l'issue de cette phase, le jeune est considéré un Soldat de Dieu , il fait désormais partie de Jounds Allah . Il est totalement fanatisé .
tape 3 :
Le Derss s'oriente maintenant vers des sujets sensibles : La femme, le gouvernement, le taghout , le jihad ...
Les visites à des frères continuent, ainsi que le bourrage du crâne et le matraquage quotidien qui finissent par faire leurs effets.
Désormais, tous les moyens de défense naturels, intellectuels, et psychologiques du jeune sont totalement neutralisés. Il fait ses bagages et ses adieux aux siens. Il est prêt à être versé dans une Ousra spécialisée dans le maniement des armes et le combat.
Ainsi donc, l'endoctrinement distillé au goutte-à-goutte finit par faire du jeune un terroriste voué entièrement à la cause intégriste Voilà comment on dénature la religion en fabriquant des fanatiques prêts à commettre les crimes les plus abjects sur simple ordre de l'émir.
Nous connaissons mieux maintenant ces énergumènes qui ont choisi l'aliénation, pensant faire de bons actes en conformité avec leur foi. Ce sont des sectes, dont l'idéologie est diamétralement opposée à l'Islam, composés de gens ignorants pour leur majorité souvent des repris de justice, des paumés et des ratés. Ils baignent dans un marécage fait d'un mélange d'ignorance, de haine, de frustration, de cupidité, de perfidies, d'hypocrisie, de méchanceté qui les poussent à des comportements qui sortent du cadre humain.










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