Une autre tuile pour le Chef du gouvernement: le communiqué mi-figue mi-raisin de Fitch (Londres) du 10 mars

Asef Ben Ammar (*)
Hier vendredi, le 10 mars et en début de soirée, l’Agence de cotation Fitch (Fitch ratings) émet, à partir de son siège à la City de Londres, un communiqué laconique, le moins qu’on puisse dire mi-figue, mi-raisin. Oui, ce communiqué porte sur la Tunisie, sur ses risques financiers encourus et ses défis liés à la gestion budgétaire de son gouvernement actuel. Le communiqué est accessible à partir du lien suivant : https://www.fitchratings.com/site/pr/1020371
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Hier vendredi, le 10 mars et en début de soirée, l’Agence de cotation Fitch (Fitch ratings) émet, à partir de son siège à la City de Londres, un communiqué laconique, le moins qu’on puisse dire mi-figue, mi-raisin. Oui, ce communiqué porte sur la Tunisie, sur ses risques financiers encourus et ses défis liés à la gestion budgétaire de son gouvernement actuel. Le communiqué est accessible à partir du lien suivant : https://www.fitchratings.com/site/pr/1020371

Ce qui est annoncé en anglais exclusivement dans ce communiqué, relayé par Reuter, fait un nombre non négligeable de constats et d’insinuations que les Tunisiens et Tunisiennes doivent avoir en tête pour anticiper les évolutions de la situation économique et comprendre de manière avertie les risques encourus pour leur épargne, leur salaire, leur projet d’investissement, ou encore leur gestion d’actifs financiers ou autres.

Le présent billet reprend sommairement les principaux constats, en les déroulant sommairement, sans trop s’attarder sur leur portée en termes de risques associés. Voilà donc le message de Fitch, à la veille de la rencontre du gouvernement d’Union nationale, qui se réunit samedi le 11 mars à Tunis, sur invitation urgente du Chef du gouvernement:
1- Les défis économiques rencontrés par la Tunisie ont principalement trait à l’asthénie de la croissance du PIB, aux retards dans les réformes et aux risques qui leur sont associés en matière de capacité de l’État à emprunter ou encore à honorer ses échéances de paiement de dette au profit des préteurs internationaux.
2- Les risques financiers de courts termes ont été atténués par le prêt multipréteur de 850 millions d’Euros, contracté récemment sur le marché financier non conventionnel. Le communiqué ajoute que le FMI a reporté sine die, la tranche de 320 millions $US, encore pour des raisons de retard dans les réformes et au manque de contrôle et de gouvernance éclairée sur les dépenses gouvernementales.
3- Fich-rating pense aussi que la facture des salaires dans la fonction publique atteint les 15% du PIB, ce qui est de nature à exiger une rationalisation urgente des effectifs dans les administrations publiques; ainsi que de la privatisation de certains actifs bancaires détenus par l’État dans des banques en difficulté.
4- Selon Fich, le déficit budgétaire atteindra 6% du PIB cette année; et que pour faire face à ses engagements d’endettement, la Tunisie doit emprunter l’équivalent de 7% de son PIB en devises étrangères (sur le marché international) et 2% du PIB dans le marché domestique. En d’autres termes emprunter pour payer des dettes venues à échéance, pour l’équivalent de 10% de la richesse créée en 2017.
5- Le taux d’intérêt encouru sera au minimum de 5,75% et le prêt de 842 millions d’euros contracté récemment couvrirait seulement 60% des besoins en devises pour 2017, en principal et intérêt venus à échéance. Une telle estimation s’appuie sur les extensions et largesses procurées par le Qatar, au sujet des 500 millions $US dus pour avril 2017. Selon Fitch, le Qatar reste donc un joueur d’apaisement clef, dans le contexte.
6- Selon le communiqué, la Tunisie est tributaire dans le recouvrement de ses dettes échues des fonds privés internationaux, et ce pour honorer les remboursements pour le FMI (presque 640 millions $US), pour la Banque mondiale (presque 500 millions $US), la Banque africaine (presque 300 millions $US), l’Union européenne (EUR500 millions). Soit une somme affolante et certainement chargée en messages subliminaux pour les investisseurs; une somme de deux milliards de $US à rembourser juste pour 2017.
7- Diplomatiquement signifié, Fitch s’attend à ce que les prêteurs multilatéraux vont continuer à soutenir la Tunisie, mais les délais et hésitations du FMI ne peuvent que les interpeller, augmentant ainsi les risques encourus, la vulnérabilité de la situation économique et in fine les coûts de la dette (taux d’intérêt grandissant pour tenir compte des risques). On signifie ici que les prêteurs attendent pour voir les décisions du FMI, attendu à Tunis les prochains jours pour auditer les comptes nationaux, vérifier la gestion du gouvernement actuel et dévoiler les dépenses fiscales encore préoccupantes.
8- Alors que Fitch a décoté la fiabilité financière de la Tunisie à 'B+' à partir de 'BB-' il y a moins de 3 semaines, les améliorations de la sécurité aideraient à la normalisation des activités économiques pour atteindre un 2,5 % de croissance à la fin de 2017, impulsant ainsi la consommation privée, les investissements productifs et l’entrée en vigueur de la loi sur les incitations aux investissements, et le mementum crée par la conférence des préteurs de la conférence "Tunisia 2020".
Comme, on peut le constater le communiqué est laconique et il table sur la reprise sur une croissance hypothétique prudente, mais surtout sur une gestion gouvernementale axée sur les résultats et propulsée par des décisions drastiques et des compressions budgétaires douloureuses dans l’appareil de l’État et dans les actifs bancaires de la Tunisie. Le tout pour dégager de la marge de manœuvre budgétaire pour honorer les factures de la dette et pour fouetter une croissance asthénique qui tarde à venir, quoi qu’en disent les Ministres responsables des finances et de l’investissement en Tunisie.

Les prochains jours seront cruciaux; on saura un peu plus si une autre mauvaise nouvelle liée à la probable décote de la part de Fich (et donc augmentation des risques financiers) viendrait à survenir, si rien n’est fait évidemment pour honorer sérieusement les recommandations du FMI à l’égard de l’actuel gouvernement.
On attendra aussi pour voir ce samedi (11 mars), si les partenaires impliqués dans la constitution du gouvernement d’Union nationale, réunis ce samedi pour booster la performance du gouvernement iront jusqu’à communiquer à ce sujet, notamment pour rassurer les investisseurs et surtout les Tunisiennes et Tunisiens inquiétés par la tournure des évènements et les récentes décisions et improvisations gouvernementales.
Asef Ben Ammar, Ph. D.
Analyste en économie politique
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